Spinoza à Paris 8 : Pascal SÉVÉRAC

L’enfance n’est pas une thématique centrale de la philosophie spinoziste. Longtemps d’ailleurs les études sur Spinoza n’y ont guère porté d’attention : il était admis que l’enfant faisait partie, avec le suicidaire, l’imbécile ou le fou, de ces figures de l’impuissance qu’il est difficile d’« estimer », dont on peut difficilement mesurer la positivité et expliquer la nature. Un travail, cependant, a fait exception dans le champ des études spinozistes, qui a revalorisé cette thématique excentrée du spinozisme : celui de François Zourabichvili (Le conservatisme paradoxal. Enfance et royauté chez Spinoza, PUF, 2002), qui a pour ainsi dire constitué le dossier de l’enfance chez Spinoza. Il l’a ouvert sans toutefois, selon nous, l’avoir clos, et c’est pourquoi nous aimerions poursuivre l’enquête. L’« enquête » est en effet la méthode que nous utilisons : nous tentons, en partant à la recherche d’indices découverts dans différents textes de l’œuvre de Spinoza, notamment dans l’Éthique, de construire ou reconstruire ce que pourrait être une théorie de l’enfance chez Spinoza. Cette enquête cherche à savoir si cette philosophie ne nous donne pas finalement, chemin faisant, les moyens d’estimer l’enfant, c’est-à-dire de définir ce qu’il est, quelle est sa nature, mais aussi de déterminer ce qu’il peut, quelle est sa puissance et son devenir possible. Nous verrons alors que le développement de l’enfant doit se penser en terme de transformation, c’est-à-dire à la fois comme une forme de mort, et comme une renaissance.