Spinoza à Paris 8 Guillaume SIBERTIN BLANC

En marge des hommages ostensibles constamment rendus par Deleuze à Spinoza, une notation furtive du 5ème des Mille plateaux crédite ce dernier d’avoir fait « la théorie la plus profonde du prophétisme, en tenant compte de [sa] sémiotique propre ». Cette communication commencera par retracer le contexte de cette assertion, celui d’une mise en contraste de deux sémiotiques ou « régimes collectifs de signes », au moyen d’une superposition de deux distinctions heuristiques : l’une, filtrée par l’anthropologie des religions et par la tradition vétéro-testamentaire, divise deux « théologies politiques » emblématisées par les figures respectives du prêtre et du prophète ; l’autre, empruntée à la clinique de Gaëtan de Clérambault, démarque deux allures de la pensée délirante – « délire paranoïaque d’interprétation », et « délire passionnel d’action ». Sur cette base, je confronterai la sémiotique dite « passionnelle, subjective et autoritaire » que Deleuze et Guattari attachent au prophétisme, non directement aux premiers chapitres du TTP, mais à un problème exégétique plus large concernant la pluralité des « idées de Dieu » chez Spinoza. L’hypothèse mise à l’épreuve sera alors la suivante : cette sémiotique ne correspond stricto sensu à aucune des trois idées spinozistes de Dieu (ou des trois genres de connaissance qui en expliquent la production), mais elle problématise l’instabilité interne de chacune d’elle, tout en attirant l’attention sur une idée supplémentaire ou excédentaire, à laquelle la 5ème partie de l’Éthique attache un amor erga Deum, comme une quatrième idée de Dieu distincte.